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04/07/2014

Drame d'Albi : "Le psychisme humain, celui d'un adulte ou d'un enfant, n'est pas préparé pour assumer cela"

...déclarent les psy. Mais ce diagnostic s'applique à de nombreux autres aspects de la société en gestation :

école

 

 


  

Interrogée par la presse, la psychanalyste Claude Halmos pose son diagnostic sur l'assassinat de l'institutrice d'Albi par une mère d'élève :

« Ce que ces enfants viennent de vivre est un traumatisme majeur. Le propre d'une scène traumatique est de surgir brutalement dans le quotidien, on n'y est pas préparé, donc la soudaineté de l'événement est d'une violence inouïe. Une telle scène est de l'ordre de celles que les enfants voient en règle générale dans les films et les cauchemars, mais celle-là est arrivée dans la réalité. Le psychisme humain, celui d'un adulte ou d'un enfant, n'est pas préparé pour assumer cela. »

On peut développer l'analyse de Mme Halmos.

Se demander par exemple, s'il est normal que « les enfants » (ici élèves de maternelle) voient « en règle générale » dans « les films » (donc aussi dans leurs cauchemars) une « telle scène »... Ce qui mène à poser la question de l'addiction du jeune public aux écrans [*] ; et, de là, celle de l'addiction familiale (un écran par chambre dans beaucoup de cas), et celle du système commercial de masse qui fabrique ces addictions pour maximiser ses profits – d'où les effets comportementaux que mesurent les éducateurs, les psychologues, les psychiatres, et hélas les criminologues. Faire allusion à ces effets vous fait classer comme ennemi du business, donc saboteur de croissance : mais on ne peut pas taire indéfiniment les réalités, même si le déni de réalité est la base du discours contemporain.

On peut également s'interroger sur l'attitude de nombreux parents : 20 % d'entre eux, selon les proviseurs (dans un rapport récent sur les conflits scolaires), ne supportent pas que l'enseignant donne une punition à leur enfant ; ils ne supportent même pas ce qu'ils appellent « les critiques » sur leur enfant : autrement dit les évaluations de travail et d'attitude. Cette susceptibilité folle est elle aussi l'effet d'une société baignant dans le marketing, qui persuade chacun (parent ou enfant) que tout ce qu'il fait, tout ce qu'il sent, tout ce qu'il veut, est sacré. Le consumérisme repose sur ce ressort psychologique.

On peut enfin ouvrir des perspectives sur les réformes sociétales imposées dans les pays occidentaux par l'ultralibéralisme. Le « psychisme humain d'un adulte ou d'un enfant », comme dit Mme Halmos, est-il « préparé » à des situations sans précédent depuis l'aube de l'humanité... mais instaurées par la pulvérisation hyper-individualiste du code civil ? Je veux parler du déni de filiation, du déni d'altérité sexuée, du refus de la bipolarité parentale homme-femme, et de la marchandisation des bébés et des femmes que la Ve République finira par introduire pour imiter les Etats-Unis.

Cette aliénation polymorphe de l'humain est la marque de la société de marché. Notre psychisme n'y est pas plus « préparé » que celui des petits élèves de maternelle à l'assassinat de leur institutrice.

Mais ces réalités ne font pas partie du monde mental de la classe politique ; on en était frappé tout à l'heure en entendant le lamentable bredouillis du ministre de l'Education nationale, venu à Albi en urgence comme son devoir le lui dictait, mais incapable de faire la déclaration (brève et grave) à laquelle un responsable doit se tenir en des circonstances aussi pénibles. M. Hamon a parlé longuement, interminablement, non sans beaucoup de euh... et de silences gênés, et ce bafouillis l'a conduit à empiler les bourdes. Il n'était pas opportun, par exemple, de dire que l'école d'Albi avait pour caractéristique son grand succès dans les relations parents-enseignants ; car si cela est un succès, on peut se demander ce que M. Hamon appelle un échec... Le ministre va certainement voir dans nos réflexions (je le cite) « l'envol des oiseaux de mauvais augure qui veulent faire leur miel de ce drame », formule qu'il a proférée à Albi et qui le classe, avec Mme Taubira, parmi les émules du maire de Champignac ; mais la classe politique devrait comprendre qu'elle accumule des charbons ardents sur sa tête à force de dénis de réalités et d' « éléments de langage », comme disait  Philippe Bilger dans une tribune libre récente.

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[*] sans oublier les jeux vidéos, souvent d'une violence aveugle.

  

 

Commentaires

ANECDOTE

> Dans un restaurant à Paris, parmi les dîneurs, un jeune couple. Leur enfant de quatre ans va de table en table en parlant très fort et en importunant les gens. A la fin, à l'une des tables, une jeune femme lui dit de retourner avec ses parents. Aussitôt la mère du gamin se dresse et crie : "Tu ne parles pas comme ça à mon fils !" Typique. Je ne voudrais pas être l'institutrice de ce gamin.
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Écrit par : Cels / | 04/07/2014

LEUR DISCOURS

> Bonjour,
Un seul commentaire: bravo!
Tout est excellemment dit et articulé, en particulier en ce qui concerne le discours politique qui n'a plus rien à dire et répète les mêmes choses à tout propos en changeant simplement quelques mots (les noms, les lieux) voire le ton (attristé ici, rieur là, volontariste ou ferme à un autre endroit).
Par exemple, ce matin, Mme la Ministre de la culture a dit exactement les mêmes choses que son collègue; mais le ton était volontariste au lieu d'être triste, il n'était pas question d'Albi mais d'Avignon, pas question de classes mais de salles de spectacles... à part ça c'était pareil, c'est à dire vide et stupéfiant: ici quand on souligne la réussite dans la gestion des relations avec les familles, là quand la ministre parle comme si elle s'exprimait au nom de grévistes qui contestent un projet qu'elle ne remet absolument pas en question, tout en s'épanchant sur le rôle de la culture comme facteur d'acceptation des différences dans une région où les idées extrêmes ont beaucoup d'écho.
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Écrit par : C.J. / | 04/07/2014

HOMICIDES

> Des homicides, il y en a en moyenne deux par jour en France.
Il est bien que les autorités de la République s'indignent du crime d'Albi, comme elle se sont indignée du lynchage d'un Rom, mais y a-t-il des victimes moins précieuses que d'autres?
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/07/2014

DÉNI DES SOLIDARITÉS

> Déni des réalités… et déni des solidarités. Nous vivons dans une société souffrante parce que divisée. Une société qui s’individualise à l’extrême, où règnent de plus en plus la peur du prochain et la lutte de tous contre tous sous couvert de « réseaux sociaux ». La crainte se répand : chez les jeunes qui ne trouvent pas d’emploi, chez les personnes âgées si nombreuses à être délaissées, dans les familles fiscalement matraquées, parmi les salariés à qui l’on serine qu’ils doivent travailler plus pour gagner moins afin que la France puisse se relever… Et jusqu’au sein de l’école ou de l’hôpital perturbés par les obsessions idéologiques de nos gouvernants.
Certes, un tel drame peut arriver partout, à n’importe quel moment. Mais il risque de se répéter là où les solidarités familiales et sociales les plus élémentaires font défaut, et quand les gens ne se parlent plus, ne se regardent plus, ne se serrent même plus la main. Le football, pendant quelques jours, peut masquer tout ça sous le masque d’une pseudo-communion. Les rappels au réel, quand ils arrivent, font d’autant plus mal…
Ceci dit, l’arrêt de bus de ma commune de banlieue, dans le centre-bourg – une vraie place de village à 45 mn de Paris-Saint-Lazare – cet arrêt de bus, donc, en semaine autour de 8 heures, est un petit bonheur, surtout grâce aux quelques femmes et amies qui s’y retrouvent brièvement, avec ou sans enfants, qui se taquinent et s’entraident, et interpellent joyeusement le chat de l’épicier montant la garde (et se délectant lui aussi du spectacle) sur le trottoir d’en face. Sur nos places de village ou de marché, il est encore possible de se convaincre que certains modes de vie traditionnels, et notamment les solidarités de femmes et de mères, demeurent irremplaçables pour pacifier une société… Mais comment en parler aujourd’hui sans passer pour un vieux macho facho, attentant à la liberté des individus, et tout juste bon à enfermer ?
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Écrit par : Denis / | 04/07/2014

DÉLIRES CONNECTÉS DE L'ÉDUCATION NATIONALE

> Notre aîné est entré à l'école à la fin des années 90 (ce qui me donne une certaine expérience du système scolaire public et privé), et notre petite dernière est actuellement en CE2. Je suis effarée du recours incessant aux films, clips, et à présent youtube...en salle de classe, sans aucune justification pédagogique. Notre fille est d'un naturel anxieux et impressionnable (ce qui est normal puisque nous "l'élevons dans du coton" i.e. nous n'avons pas la télévision) et j'ai dû à de nombreuses reprises dédramatiser des images qu'elle avait vues en classe et qui lui avaient fait peur. Pas de réaction du côté de l'équipe pédagogique (école catho) qui semble penser que c'est notre fille qui a un problème, puisque ses camarades "en voient bien d'autres à la télé"...
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Écrit par : cristiana / | 05/07/2014

PROJETS

> Les vacances c'est aussi le temps pour le bilan et les projets. Tout d'abord je salue l'initiative de cet établissement jésuite de Marseille qui interdit dorénavant le port ostensible de signes, pardon, de marques de luxe. Ils ont compris que la mode est au no logo et au normcore ;-) Sérieusement, comme ces modes, cela va dans le bon sens. Mais nous établissements catholiques devrions aller beaucoup plus loin, être audacieux initiateurs et non timides suiveurs de ce qui se fait de moins pire dans notre société. C'est toute la violence de la dictature de l'argent que nous avons à combattre, et d'abord en nous, au coeur de notre mode éducatif.
Ainsi qu'attendons-nous pour remettre à l'honneur la blouse? Elle symbolise le travail et le service, ne se substitue pas à la tenue personnelle où est appelé à s'exprimer la personnalité et l'identité d'un élève, mais la met en retrait momentané pour mettre en premier les vertus du travail,à commencer par l'humilité si peu à la mode, et d'un travail en équipe qui s'inscrit dans une initiation au Bien Commun.
Ensuite qu'attendons-nous pour nous former à la non-violence, nous d'abord corps enseignant des établissements catholiques, puis proposer cela aussi aux parents? Cela se pratique bien dans des écoles en Israël: attendrons-nous que se dressent des murs et des miradors dans nos villes et villages pour nous y intéresser?
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Écrit par : Anne Josnin / | 05/07/2014

@ Anne Josnin

> A noter aussi l'école hors contrat -soutenue par des associations- Alexandre Dumas à Montfermeil qui, elle impose une tenue simple: sweet à capuche vert ou violet selon le sexe. Les deux approches sont valables, selon les cas.
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Écrit par : Pierre Huet / | 06/07/2014

OBJECTIONS

> Les profs comme les mediats à 80% à gauche sont les chiens de garde de nos oppresseurs.
@Anne Josnin
La société et l'Etat israélien non violent ? Vous prenez vos rêves pour des réalités.
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Écrit par : Georges Bouchard / | 08/07/2014

à Georges Bouchard

> Le problème n'est plus du tout "gauche" ou "droite", les deux étant mortes. Le problème est le système économique ultralibéral occidental qui nous impose tout ce que vous déplorez. Mais si, c'est de lui que ça vient. Lisez donc le livre de Gaultier Bès.
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Écrit par : Philippe Amblard / | 09/07/2014

à G. Bouchard

> Si j'ai bien lu Anne Josnin elle ne parle pas de la société israélienne en général ni de l'Etat, mais d'écoles catholiques.
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Écrit par : Amos / | 09/07/2014

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